Pour les conseillers en productions végétales Sensibiliser les agriculteurs à la biodiversité
Si le sujet n'est pas forcément facile à aborder avec tous les producteurs, des initiatives émergent, avec des résultats encourageants. Le point en grandes cultures.
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« Un sujet comme la préservation des auxiliaires des cultures, il y a cinq ans, aurait été perçu comme marginal. Aujourd'hui, on a dépassé ce stade-là », estime Régis Wartelle, pilote du projet Auximore à la chambre d'agriculture de Picardie. Ce projet Casdar s'est penché sur la valorisation de la faune auxiliaire naturellement présente dans les parcelles en grandes cultures et dans leur environnement (haies, bandes enherbées...). Plus précisément, de 2012 à 2014, Auximore, qui a réuni une quinzaine de partenaires (chambres, instituts techniques, Inra...) s'est attaché à capitaliser les connaissances scientifiques sur le sujet et à les restituer en outils utilisables pour les conseillers et les agriculteurs. Parmi les résultats (1), on trouve notamment des fiches sur les insectes, un outil d'identification en ligne (lire ci-dessous), des protocoles de suivi des populations, une méthode Dexi pour évaluer le potentiel auxiliaires d'une parcelle en fonction des pratiques, ou encore des formations pour les conseillers, qu'ils soient de chambres ou non.
Comme pour toute innovation, la démarche commence avec un groupe d'agriculteurs qui veut aller plus loin. « On a aujourd'hui des groupes d'agriculteurs leaders, qui expérimentent, et d'autres auprès de qui on commence juste à informer, à sensibiliser, relate Régis Wartelle. Il faut commencer par les gens intéressés. » Qui sont ces exploitants ? « Pour ceux qui rentrent spontanément dans la démarche, ce peut être une position individuelle et personnelle, la volonté de prendre en compte l'environnement car ils y croient, le ras-le-bol d'être pris pour un pollueur... Ce sont des agriculteurs qui sont souvent dans des MAE (mesures agroenvironnementales), dans une démarche de baisse des phytos, de réduction de travail du sol », observe Régis Wartelle.
Amorcer la réflexion et expliquer
La coopérative de Mansle, en Charente, s'est investie sur le sujet avec la chambre d'agriculture du département. « Sensibiliser n'est pas simple, les agriculteurs ont leurs habitudes de travail. Il faut expliquer que le sol est un partenaire, pas seulement un support, que c'est un milieu vivant », fait part Laurent Clochard, responsable technique de la coop. « La porte d'entrée c'est la biodiversité fonctionnelle, la biodiversité qui va leur servir », explique Nicolas Chaslard, conseiller Environnement à la chambre d'agriculture de la Charente. Et la sensibilisation porte ses fruits : « On a parlé des carabes pour lutter contre les limaces, illustre Laurent Clochard, et cela pousse les agriculteurs à s'interroger sur la nécessité d'appliquer des molluscicides, de bien observer avant de faire quoi que ce soit. » Ensuite, c'est l'effet boule de neige.
« Petit à petit, les autres agriculteurs voient le voisin modifier ses pratiques, que ce n'est pas si mal, qu'économiquement cela tient la route. Progressivement, c'est suivi », explique Régis Wartelle. « C'était aussi notre objectif en sensibilisant une dizaine d'exploitants, de créer un noyau moteur à la coop », relate Laurent Clochard. L'un des agriculteurs sensibilisé implantera d'ailleurs dès le printemps 2015 des jachères avec un mélange spécifique pour les auxiliaires des cultures, dans des endroits sélectionnés.
Des essais pour apporter des preuves
« Il est essentiel de tester, d'essayer ensemble. Il n'y a pas de solution toute faite, même s'il y a des grandes tendances, cela reste empirique », appuie Régis Wartelle. Le conseiller reconnaît qu'« on manque encore souvent scientifiquement de données pour prouver ». Pour Laura Vincenot, animatrice Ferme Dephy Ecophyto à la coopérative Dauphinoise, basée au sud de Lyon, l'un des freins majeurs à la sensibilisation des agriculteurs est « intimement lié au fait que l'on ne dispose pas aujourd'hui de preuves scientifiques ». La coop s'est aussi impliquée dans le projet Auximore, et a mis en place des essais pour étudier le développement de populations de carabes, en lien avec InVivo. Une première restitution des résultats est prévue au printemps prochain. « Avec la nouvelle Pac, les MAE, les SIE (surfaces d'intérêt écologique), etc., les agriculteurs sont à un tournant, il est nécessaire de réfléchir aux systèmes de culture », appuie Nicolas Chaslard à la chambre de Charente.
Marion Coisne
(1) Consultables sur le site www.unebetedansmonchamp.fr
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